Si l’étrange défaite de 1940 dévoile progressivement ses mystères, fièvre commémorative oblige, les témoignages de première main rédigés sous le choc des événements restent une denrée rare. Le journal tenu par Roland de Margerie apporte un éclairage qui se révèle bienvenu. Après un passage par l’ambassade de France à Londres, l’homme demanda à servir dans l’armée, avant d’assumer la liaison entre le Quai d’Orsay et l’état-major du général Gamelin puis de diriger le cabinet de Paul Reynaud, ministre des Affaires étrangères. C’est dire qu’il fut placé aux premières loges pour assister au désastre.
Ce témoin lucide confirme sans grandes surprises les fondamentaux de la période. Manque de détermination de la troupe et des officiers durant la drôle de guerre, conflits larvés au sommet du pouvoir, entre Paul Reynaud et Edouard Daladier notamment, intrigues ourdies par des politiciens sans scrupules où se distinguent Pierre Laval et Anatole de Monzie, lenteur dans les décisions… autant de points connus que confirme Roland de Margerie, en fournissant surtout un jugement sans appel sur Paul Reynaud. Soumis à l’influence de sa maîtresse, Hélène de Portes, l’homme, pourtant crédité d’une réputation d’intransigeance, ne sut adopter une ligne ferme et s’y tenir, malgré les exhortations de son secrétaire d’Etat, Charles de Gaulle.
Le petit monde du pouvoir s’effondra sous les coups de boutoir de la Wehrmacht, victime aussi d’une ambiance délétère qui contraste avec la fermeté dont témoignèr