En 1983, Philippe Muray enseigne la littérature un semestre à l'université de Stanford, en Californie. Il y infusera les textes qui lui permettront d'écrire le Dix-neuvième Siècle à travers les âges. Muray n'est pas heureux à Stanford : il découvre l'empire non-fumeur du bien et du politiquement correct à l'état naissant, et l'explique à sa femme dans une lettre, inédite, dont voici un extrait.
«Palo Alto, 29 janvier 1983. Céline était encore bien optimiste quand il disait qu'il suffisait de rester longtemps quelque part pour que les choses et les gens se mettent à pourrir autour de vous. Moi, quand j'y arrive, tout de suite ça y est ! C'est fini, réglé, raté. […] Depuis une semaine, les tempêtes succèdent aux tempêtes. Ce pays est si stupide, si ridicule, si profondément sous-développé, que la moindre avalanche d'eau se transforme en catastrophe. Les Américains sont des Belges qui n'arrêtent pas de croire qu'ils se soignent […] Je n'ai jamais rien vu de plus raté, de plus prostré, que ces suites d'un lointain débarquement de protestants sur des terres inhospitalières[…]. N'importe quelle province française a des allures de casino chic, parce que même dans sa plus profonde ignominie, elle ne peut pas être tout à fait mauvaise, n'étant pas calviniste. Le calvinisme est un lapsus qui a échappé à l'Allemagne et qui a été entendu jusqu'ici. Enfin, il y a de grandes promesses sismiques, comme tu sais, d'engloutissement. Espoir tellurique de justice divine ! L