Ce livre-là ne vous lâche pas si facilement. Vous en avez lu d'autres depuis, vous en avez lu de plus saisissants ou de plus sophistiqués, mais le Chagrin a quelque chose de différent, qui retient, et qui reste, qui demande qu'on y revienne. Comme si l'envie de partager cet attachement était d'un autre ordre, pas tant littéraire que sentimental.
Il y a vingt ans, Lionel Duroy publiait Priez pour nous, chez le même éditeur, Bernard Barrault, dont la maison portait alors le nom. C'était l'histoire de Toto le héros, un père qui se démenait comme un beau diable pour garder la tête hors de l'eau. La famille était déjà nombreuse et ruinée. Nous étions chez les Guidon de Repeynac. Dans le Chagrin, William raconte son enfance. Toto est à nouveau le héros. La famille s'appelle Dunoyer de Pranassac, c'est plus sérieux. William grandit, devient adulte, écrivain, amoureux et père à son tour, hanté par le souvenir d'un naufrage à ne pas répéter. Il traverse les années 60, 70, 80, publie un roman, Priez pour nous, à travers quoi il règle ses comptes avec une mère redoutée. Et se brouille avec les siens, les parents comme la fratrie.
Etiquette. Il fut un temps où les lecteurs de romans conservaient par devers eux un évident postulat : rien ne dit que l'auteur raconte sa propre vie. A présent, c'est l'inverse. Avec un roman comme le Chagrin (le label «roman» figure sur la couverture), tout indique qu'il s'agit d'un récit v