A 33 ans, Grégoire Chamayou fait partie de la jeune garde du néomarxisme français. Normalien, passé par le Bureau du livre à New York, directeur de la collection «Zones» à La Découverte, il publie un essai aux éditions La Fabrique, devenues fameuses depuis le succès de l'Insurrection qui vient. Mixant la méthode archéologique de Foucault aux concepts spinoziens («puissance d'agir»), nourri d'une connaissance protéiforme de l'histoire des idées, les Chasses à l'homme témoigne de l'érudition, de la sophistication intellectuelle, de la puissance d'évocation, du désir d'engagement de ces nouveaux théoriciens. Mais aussi, parfois, de sa propension à partager le monde entre dominants et dominés. Ou, dans le cas d'espèce, entre chasseur et chassé.
Les Chasses à l'homme s'ouvrent sur une scène de la vie royale, au XVesiècle : «Dans le parc d'Amboise, le roi Louis XI, à qui l'on avait fait "l'affreux plaisir d'une chasse d'homme", se lança à la poursuite d'un condamné couvert d'une "peau de cerf fraîchement tué". Lâché dans le domaine et bientôt rattrapé par la meute royale, celui-ci périt "déchiré par les chiens".» Les citations sont prises, dit Chamayou, au chroniqueur de la Renaissance Philippe de Commynes. On croit à une anecdote en périphérie de la vie des grands hommes, à ce genre de faits divers où nous assistons, fascinés mais au fond pas très inquiets, au moment où l'humain se retourne en inhumanité.
Tout l'objet de Chama