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Libération
Critique

La bande-son du XXe siècle

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Fureurs, chaos et fulgurances de la musique classique
publié le 1er juillet 2010 à 0h00

En 1934, Arnold Schönberg rêve de travailler pour Hollywood. Il vient de quitter l'Allemagne et s'est installé à Los Angeles, où il a pris l'habitude de jouer au tennis avec Charlie Chaplin. Il adore l'argot américain et il lui arrive de porter des chemises orange, avec une cravate verte à pois blancs. Vint enfin le jour où directeur de la MGM l'approche pour lui commander une musique de film : «L'autre dimanche, quand j'ai entendu la jolie musique que vous avez composée…» Schönberg coupa sèchement : «Je n'écris pas de jolie musique», avant d'exiger carte blanche pour toute la bande-son, y compris les dialogues. Et quand il réclama un cachet de 50 000 dollars, la MGM «se désintéressa de l'affaire». Son fils aîné, Ronald, se souvient que, quand les autobus de touristes s'arrêtaient devant la maison de Shirley Temple, leur voisine, jamais le haut-parleur ne signalait qu'à côté vivait l'inventeur du dodécaphonisme. «Cela le rendait un peu triste […] Mais, un jour que nous étions arrêtés dans un bar d'autoroute pour prendre un jus de fruits, la radio diffusait la Nuit transfigurée ; je n'avais jamais vu mon père aussi heureux.»

«Salomé». Ce portrait d'artiste en exil est l'un des innombrables tableaux qui composent The Rest is Noise, fresque vertigineuse de la musique classique au XXe. En ouverture : en 1906, à Graz (Autriche), la première de Salomé de Richard Strauss, où se presse