De l'ancien camp de Jiabiangou, il reste quelques traces. Les maisons en torchis où vivaient les gardes, les dunes aux reflets mauves qui servent d'ossuaire, les cavernes ocre creusées par les bagnards sur les flancs des collines qui cernent la petite oasis. Les 2 500 «droitiers» qui sont morts dans ce camp de «laojiao» («rééducation par le travail»), et dont le PC chinois refuse encore de rendre public ne serait-ce que la liste, ont fini leurs jours dans ces trous de terre qui servaient de cellules. Certaines cavités sont forées profondément et communiquent entre elles. Des lambeaux de nattes de paille gisent encore sur la terre poudreuse.
«Ils sont tous morts de manière très tranquille. Personne ne criait. Ils s'endormaient, puis s'éteignaient dans leur sommeil.» C'est Zhao qui parle, un rescapé rencontré à Lanzhou, capitale du Gansu. Il a 89 ans. «Un jour, nous étions des dizaines entassés sur les nattes à même le sol. Deux semaines plus tard, il n'y avait presque plus personne. Les autres étaient morts de faim.» En fonction des moissons, chaque individu recevait par mois environ 7,5 kilos de céréales non décortiquées, soit 250 grammes par jour. «Pour faire du volume, on y ajoutait de l'herbe, des racines, de la paille, de la terre parfois, se souvient Zhao. Cette nourriture nous a tous constipés. Les prisonniers devaient extraire leurs excréments avec leurs doigts. Ceux qui n'y parvenaient pas en mouraient. On les mettait alors sur