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Critique

Chemins battus et débattus

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Le cahier Livres de Libédossier
La pensée, de la Grèce à la modernité
publié le 26 août 2010 à 0h00

Une histoire de la philosophie a toujours quelque chose d'un objet transitionnel ou d'un nounours. Elle rassure. On se sent moins petit quand on voit que les cathédrales de la pensée, dans lesquelles on craint de se perdre, peuvent être miniaturisées, réduites à leur nef principale, un plan sommaire des allées, quelques tables d'orientation. Condensées de la sorte, les philosophies paraissent plus douces, moins intimidantes et composent, justement, une «histoire», avec ses étapes, ses enchaînements, ses sommets - sinon un récit dont il est loisible de suivre avec moins d'efforts les péripéties, des présocratiques à Socrate, de Socrate à Platon, de Platon à Aristote, de l'épicurisme au stoïcisme, du stoïcisme grec au stoïcisme latin, et ainsi de suite.

En réalité, il n'en va pas ainsi. L'histoire de la philosophie, c'est la philosophie, au sens où celle-ci, contrairement aux sciences - dont les théories se dépassent à l'infini les unes les autres, laissant derrières elles les erreurs - ne «progresse» pas mais laisse «cohabiter» les diverses approches. Personne ne peut raisonnablement soutenir qu'Aristote a rendu caduc Platon, Marx Hegel, ou Heidegger Husserl : leurs œuvres, comme disait Levinas, sont «toutes ouvertes en même temps sur ma table». Réfléchissant sur le bonheur ou la vérité, on lira tout à la fois Epicure et Spinoza, Kant, Gadamer, Alain ou Descartes - mais un médecin qui veut soigner une maladie du sang n'utilisera guère un traité du XVIIe<