Menu
Libération
Critique

Ecole d’Arlt

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Réédition des «Sept Fous», classique argentin qui fit exploser la langue écrite en la rapprochant de celle de la rue
publié le 26 août 2010 à 0h00

En 1929, un écrivain de 29 ans lance une bombe dans le subtil salon transatlantique des lettres argentines. Elle a un nom, comme tout spécimen : les Sept Fous. C'est un roman. Le fabricant a un nom qui paraît faux : Roberto Arlt. Mais en Argentine tout ressemble à une opérette plus ou moins bottée, montée par des immigrants masqués, affamés, déchaînés.

Arlt est le grand chroniqueur de la presse argentine. Ses Eaux-Fortes racontent la folie quotidienne du peuple de Buenos Aires. Ce sont bien des gravures, des personnages types, très libres de ton et de forme. En 1935, il décrira merveilleusement l'Espagne d'avant la guerre civile : Cadix, Grenade, les Gitans. Ses articles font grimper les ventes du quotidien El Mundo. Des lecteurs lui écrivent que son nom est un pseudonyme. Il répond : «J'en ai ma claque parce que j'ai le mauvais goût d'être absolument enchanté d'être Roberto Arlt. Il est vrai que j'aimerais mieux avoir pour nom Pierpont Morgan ou Henry Ford ou Edison, ou n'importe quel autre nom comme ça ; mais vu l'impossibilité toute matérielle de me transformer à ma guise, j'en prends mon parti et m'habitue à mon nom, tout en songeant quelquefois au premier Arlt d'un trou perdu de Germanie ou de Prusse, et je me dis : qu'a-t-il bien pu faire ce barbare d'ancêtre pour qu'on l'appelle Arlt !»

«Orgueil». Karl Arlt, le père, est autrichien et souffleur de verre. Il est froid et cogne sur son fils. La mère, Ekatherine Iobs