C'est le retour du refoulé. Ecoutons-le marcher : «Malgré la brutalité et la violence de ce milieu, il n'y avait aucune place pour le mensonge et l'hypocrisie, pour la vantardise ou l'esbroufe : tout était authentique et profond.» Il vient avec une belle barbe et le corps tatoué, le bleu de ses yeux très ombreux va nous botter les fesses et ce sera délicieux. Il s'appelle Nicolaï Lilin, 30 ans, né en URSS. Le refoulé fait un bruit d'origine et de religion, de crime et de reconstruction. Katrina Kalda, née en Estonie la même année que Lilin, n'en promet pas moins et le bandeau qui ceint son livre annonce «un meurtre littéraire».
Voilà deux premiers romans d’une même génération, écrits chacun dans une langue d’adoption (l’italien pour lui, le français pour elle) et qui nous ramènent, de façons certes très différentes, à un point aveugle de la littérature d’Europe de l’Ouest, qui serait sa réunification avec celle de l’Est. Ou disons mieux, à l’ignorance persistante de l’Ouest pour le point de vue de l’Est, comme si aucun discours critique ne pouvait venir de là-bas, qui remettrait en question nos représentations, littéraires ou autres. Comme si, durant ces vingt dernières années, il ne s’était rien passé dans l’Histoire qui fût digne de détourner notre attention de l’autofiction ou du récit postmoderne.
Potiche de l'Ouest. Il faut donc que ces jeunes écrivains nés à l'Est viennent jusqu'à nous, apprennent nos langues et choisissent de dérouler