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Libération
Critique

Le fascisme, et eux et eux et eux

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Tombeau pour Chinois oubliés, premier roman
publié le 26 août 2010 à 0h00

En cette «rentrée littéraire», comme on dit, quatre-vingt-cinq «premiers romans», comme on compte, et parmi ceux-ci, donc, celui-là, Cent-seize Chinois et quelques qui, un mois après lecture, tient sa note pour résonner dans la mémoire ; à moins que ce soit dans une actualité pesante de camps et d'exils, et de rafles et d'expulsions. Un son bas et sourd, de violoncelle ou de cor au fond des bois, ça tombe bien, il s'agit de cela.

Un fragment d'histoire avéré, mais inachevé, l'inspire. Celui du confinement absurde, par la broyeuse bureaucratique fasciste, d'une autre communauté, après celles des Juifs et des Tsiganes, dans le camp de Tossicia, au cœur des Abruzzes d'abord, puis, à partir de mai 1942 dans le village monastère d'Isola del Gran Sasso. Parce que «[…] un jour, l'idée simple et peut-être enivrante de rassembler en un lieu tous les Chinois d'Italie, germa. Ils ne menaçaient personne, mais ils étaient les ressortissants d'une puissance ennemie, une parmi tant d'autres. C'était leur seul crime, ils devinrent des cibles. On les traqua mais sans conviction particulière, sinon que du jour au lendemain on avait décidé qu'ils ne pouvaient pas ne pas être traqués». Ils étaient commerçants minuscules, vendeurs de rue à Gênes ou à Turin. Deux années durant, dans la réclusion à peine surveillée de leurs êtres, leurs non-vies s'écouleront, passives et vaines comme les travaux auxquels on les emploie pour tenter de donner une apparence de sens à ce qui