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Libération
Interview

Retour au pays fantôme

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Le cahier Livres de Libédossier
Entretien avec l’auteur d’«Un roman estonien»
publié le 26 août 2010 à 0h00

Un roman estonien est le premier roman publié de Katrina Kalda, née en Estonie, arrivée en France à l'âge de 10 ans. Le narrateur en est Théodore, personnage de papier qui nous raconte la vie de l'écrivain August, son créateur, amoureux de Charlotte, mariée au riche Eerik, chevalier d'industrie. August est chargé de magnifier l'indépendance estonienne et la dissidence à travers un roman-feuilleton dont Théodore est, précisément, le héros. L'un vit en 1996, l'autre en 1986. Ce dispositif, mené avec brio et drôlerie, interroge l'Histoire comme récit faillible et éclaire la fringale d'identité et de territoire dans l'Europe de l'après-Mur.

Est-ce l’Estonie qui était au départ de votre projet romanesque, ou le jeu métatextuel qui le nourrit ?

L’Estonie parce que je cherche depuis trois romans à sortir de ce matériau estonien et, paradoxalement, j’avais donc besoin d’y revenir encore. Ce pays fantôme m’intrigue. Les Russes, les Allemands se le sont passé de main en main, il n’existe que depuis très peu de temps dans l’Histoire et il n’a presque qu’une existence symbolique ou linguistique. Le jeu sur le feuilleton est venu ensuite comme une contrainte, parce que je voulais une mise en place narrative qui m’oblige à être claire, rigoureuse.

Peut-on dire que Théodore est à August ce que l’Estonie est à ceux qui en font l’Histoire ?

Oui. August participe à la construction d’un cliché historique qui permet de valider une certaine idée de l’Estonie après la chute du Mur. Une Estonie héroïque qui a toujours résisté à l’occupant soviétique et qui a reconquis son indépendance. Après 1991 s’est constituée l’idée d’un âge d’or, celui de la première république de 1920, dont la