Le Canadien Yann Martel, fils de diplomate né en 1963, a montré dans Paul en Finlande et l’Histoire de Pi (Booker Prize) un goût pour l’audace formelle qui culmine dans Béatrice et Virgile. Personnification du peuple juif selon l’auteur, un écrivain est confronté à un inquiétant taxidermiste qui «utilise l’Holocauste pour parler de l’extermination de la vie animale». Comme son personnage, Martel avait conçu un ouvrage tête-bêche, fiction et essai sur «les représentations de l’Holocauste», retoqué par son éditeur.
«Il existe relativement peu de romans sur l'Holocauste. La Flèche du temps, de Martin Amis, commence au présent puis on est inexorablement ramené vers le passé, c'est encore une vision historique. Les Bienveillantes, c'est très récent. Il y a plein de témoignages, mais les vraies fictions, les gens qui inventent pour dire la vérité autrement, sont rares (David Grossman, Voir ci-dessous: amour, Jonathan Safran Foer, Tout est illuminé), si on compare à d'autres cataclysmes, comme la guerre, représentée de mille façons. La Route des Flandres, de Claude Simon, on ne se pose pas de questions, est-ce véridique ou pas, on sent qu'il y a une vérité spirituelle. Pourquoi cet interdit, ces limites, ce manque, autour de la Shoah? Il me semble qu'on y perd. Dans le monde anglo-américain, la compréhension de ce qu'a signifié la Première guerre mondiale, la boucherie insensée