Le point de départ de cet ouvrage passionnant et novateur est un oxymore roboratif. «Etre mère» et «être lesbienne» sonnent en effet comme des termes antinomiques, même contradictoires, tout au moins dans l’ordre social et moral qui est le nôtre. Peut-on être mère quand on vit avec une femme ? Et peut-on, en outre, être mère avec cette autre femme ? C’est à partir d’une trentaines d’entretiens avec des couples lesbiens et leurs enfants que l’auteure a construit sa recherche, dans la dynamique d’une démarche sociologique, désormais classique, qui consiste à interroger une représentation à partir de la marge. Il s’agit ici de questionner le champ de la parentalité, celui des normes qui régissent le couple et la filiation, à partir du «travail parental» accompli par deux mères, l’une, la mère légale (la mère qui accouche ou qui, dans d’autres cas, est la mère adoptive), et l’autre, la mère «non statutaire», mot fétiche de Virginie Descoutures. Les détours de cet angle d’approche inattendu réservent bien des surprises : sur le couple, sur la «nécessaire» différence des sexes pour élever un enfant, sur la maternité comme norme de la féminité, bref sur l’«hétéro-normativité».

Un des aspects les plus novateurs de ce travail est de montrer, de démontrer, à quel point le droit français s’est naturalisé, à la suite d’un glissement qui a fait, du dogme de la nature, un dogme du droit. Dans le système juridique français, la filiation juridique est en effet fondée sur le présupposé d’une