On ne donne pas plus l’âge de Jean d’Ormesson que ceux des dames qu’on a toujours vues au salon : ce serait indélicat pour lui, et pour soi-même. Il est sans âge, il les a tous. Son public a 7 ans, 77 ans. Ses yeux clairs luisent entre les meubles de style, les reproductions assez bonnes de tableaux de maître. Ses livres sont des conversations au bridge, on les suit sans déplaisir et sans écouter. Ils fument le thé, mouillent les madeleines, tendent le velours des rideaux. Ils font glisser le temps qui passe. Celui-ci comme d’autres conte la vie depuis les origines, les grands hommes, les écrivains, la mer, la vie, Dieu et naturellement, allègrement, homme de lettres et de joie sans lendemain, Jean d’Ormesson dans tout ça.
Passent des phrases telles que : «La vérité est contraignante comme la nature. La beauté est libre comme l'imagination.» Ou : «Tous les peuples sont élus. Les Chinois, qui sont jaunes et qui sont nombreux, se sont considérés longtemps comme le milieu d'un monde qu'ils finiront bien par dominer tout entier.» Jean d'Ormesson n'aime rien tant que le négligé chic monté sur lapalissades. Il fait aussi grand usage de ce qu'on pourrait appeler des «oxymorales» : «La vie est très gaie. Elle est brève, mais longue. Nous détestons la quitter. Elle est une vallée de larmes - et une vallée de roses.»
Ce sont des Maximes du pauvre. Leur qualité première est, comme certains manteaux, d'être prêtes à porter, mais aussi réversibles. Quand on s'en