Claude Arnaud est né en 1956. Auteur de biographies de Chamfort et de Cocteau, il a également publié des romans, dont le Caméléon (prix Fémina du premier roman en 1994).
Comment définir les années 70?
Comme une époque très dense, portée par une énergie un peu démente, où la part la plus active d'une génération a esquissé un système de contre-valeurs, inventé de nouvelles relations à l’autorité, la politique, la culture, la musique, la sexualité, l’identité. Jusqu’à la façon de s’habiller, de se nourrir, de dormir (abolition du sommier)… D’autres avaient rêvé avant nous de révolution, vécu dans la bohème artistique, expérimenté l’amour libre. Notre particularité fut de vouloir tout cela à la fois : au-delà d’un système central verrouillé par l’idéologie dominante, la publicité, les médias, qu’il fallait saper en construisant un antimonde. C’était une contestation globale de la réalité, toujours très pénible à vivre. La drogue, un bain musical incessant étaient aussi des façons de dissoudre cette maudite réalité, d’en faire une sorte de fiction où tout ce qui témoignait du système devenait absurde : la cravate du père, le landau de la voisine, l’attaché-case du cadre en wagon de première classe.
Le temps aussi était dénié, en tant que facteur de dégradation mortelle. Le slogan : «On n'est pas contre les vieux, mais contre ce qui les fait vieillir» dit bien qu'on comptait rester éternellement jeune, dans cet état de surchauffe adolescente. Ce fut un moment générationnel et chaotique à la fois