Alain Minc est conseiller du prince : ce n'est pas minorer ses qualités que de supposer que, lorsqu'il écrit une histoire des intellectuels, on y lira le point de vue des hautes sphères sur le monde des idées. Point instructif, d'où il ressort que les intellectuels, «spécialité très française», forment un collectif global se définissant par la propension «à penser de plus en plus faux», «à divaguer idéologiquement». Ce qu'une galerie de portraits de philosophes et écrivains vus à travers leurs engagements politiques vient démontrer. «Premier "droit de l'hommiste"», Voltaire était courtisan et hypocrite et Hugo «opportuniste». Plus tard, Gide, Mauriac, Malraux et Aragon restèrent «prisonniers du seul registre affectif» et Sartre régna par le moyen de l'excommunication.
Autant de points exacts, mais c’est le postulat implicite qui est faux. Jauger une idée à l’aune du comportement individuel de celui qui l’a conçue, c’est faire des intellectuels des saints proposés à notre imitation, ce qui est une bien curieuse idolâtrie. En réalité, seul compte (ou devrait compter) l’aide que leurs idées nous apportent pour construire les nôtres : Platon, tout partisan qu’il fût de la dictature, peut nous aider à penser la démocratie. Ne pas être d’accord avec Foucault, Derrida et le tandem Deleuze-Guattari justifie-t-il de les exécuter en respectivement trois paragraphes et deux fois dix lignes ?
En réalité, derrière la leçon de morale, le récit de Minc par