Devant la gare d'Etampes, on tombe sur le facteur qui demande le numéro de la rue avant de vous répondre : «Ben, j'm'en doutais, vous allez chez m'sieur Binet.» On est convié à déjeuner dans l'Essonne, chez le vétéran de Fluide glacial, le père créateur des Bidochon, animé depuis trente ans par la splendeur du Français moyen. L'épopée en BD de Raymonde et Robert, victimes consentantes de la société de consommation, s'échelonne sur vingt tomes. Le dernier date de septembre. Plus de neuf millions d'albums écoulés depuis ce caricatural big-bang, sans compter les produits dérivés. Et ça le botte assez, l'auteur, de savoir que 200 000 Français matent le journal de Claire Chazal, les pieds calés dans des chaussons à l'effigie de ses deux protégés. Leur patronyme de papier vient du mot bidoche, la terminaison c'est pour la musicalité. Non, il n'a pas dessiné ses personnages en s'inspirant d'un modèle singulier, mais plutôt «en picorant les travers de tous ceux qu'[il a] croisés, côtoyés».
Christian Binet est casanier et son attachée de presse assure - ça fait passer le goût du trajet - qu'il adore cuisiner pour ses invités. Il ne s'attend pas à ce qu'on lui apporte une bouteille et remercie comme si c'était un Haut-Marbuzet. Sa cave est rangée par millésimes sur tableur, dans son ordinateur. Rien chez lui n'est envisageable à moitié. Pareil pour les cigares. Il en fume deux à trois par jour et se passionne pour la provenance des feuilles. Son café vient d