Romans
Jean-Baptiste del Amo Le Sel
Un second roman, qui s’ouvre sur 50 pages austères. Presque antipathiques. L’histoire d’une famille, à Sète, dont les membres doivent dîner ensemble, autour de la mère, Louise, la veuve du père, Armand. Ce dîner ne viendra jamais, mais toute la famille se mettra bien à table. Atmosphère de blockhaus, le fort Del Amo ? On entre dans le livre comme on assiégerait une ville : il faut trouver la faille.
Et une finesse tranche sur l'amertume générale, une saveur sourde qu'on se met à rechercher. Alors on lit, et les pages austères confinent bientôt à la familiarité, la véritable intimité qui n'est pas d'arc-en-ciel pétant, mais obscure comme «toute cette foutue famille, avec ses silences et ses non-dits». Armand, le père mort, était pêcheur, dur comme une boîte de thon. Il a réussi à ne pas se faire aimer de ses enfants, Albin, Fanny et Jonas, qui se mettent confusément, à travers leur propre existence, à le rechercher, le reconstituer. «Chacun d'entre eux possédait une parcelle d'Armand sur laquelle ils apposaient un silence farouche.» Eux-mêmes ont des vies éclatées, des ratés. Et «le chemin parcouru […] était si jonché de leur passé» que les faits et les souvenirs, les vivants et les morts, se mélangent. Du coup, la réalité reconstituée d'Armand détonne… Quant à Louise, la mère échouée, elle s'agrippe à ce dîner : «Quand bien même elle serait seule, la table sera dressée et le repas servi. Il en va de sa dignité, de cel