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Libération
Critique

Pogroms polonais d’après-guerre

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Jan Gross décrit l’impossible retour des rescapés juifs
publié le 14 octobre 2010 à 0h00

Etre antisémite en Pologne après la Shoah défie l’entendement. La société polonaise, pourtant, succomba à ce démon, comme le démontre dans un livre implacable l’historien Jan Gross. Les rares rescapés de l’enfer concentrationnaire, loin d’être accueillis avec chaleur, subirent une violence inouïe. Spoliés, battus, ils furent également massacrés - on recense de 500 à 1 500 victimes juives aux lendemains de la libération. Perpétré le 4 juillet 1946, le célèbre lynchage de Kielce confirme, plus qu’il ne la dément, la violence que subit la communauté polonaise. Le prétendu soutien apporté au communisme par les Juifs polonais explique-t-il la résurgence de cet antisémitisme, comme l’avance une thèse répandue ? En aucun cas. L’engagement bolchevique fut de bout en bout minoritaire, les Juifs, avant guerre, soutenant loyalement le pouvoir en place et ne manifestant après guerre qu’une faible inclinaison pour le stalinisme qui par surcroît survécut après la double émigration de 1956-1957 et de 1968-1969. Il est surprenant, relève Jan Gross, que les tenants de cette explication, prompts à dénoncer l’accueil chaleureux que les Juifs réservèrent prétendument aux Soviétiques en 1939, n’évoquent jamais la joie que manifesta une frange de la population lors de l’arrivée des nazis, dans l’est du pays, en 1941…

Pillage. D'autres causalités doivent par conséquent être convoquées. D'une part, une proportion substantielle de la population polonaise avait tiré un profit matériel