Hunter S. Thompson est ce journaliste américain qui cachait des chemisettes hawaïennes sous un manteau en astrakan, ne portait jamais une clope à ses lèvres sans la passer au filtre d’un fume-cigarette, rédigeait d’une traite, cloîtré dans des chambres d’hôtel, des papiers d’une viande infiniment nerveuse - les résultats accouchés parfois après six jours et six nuits sans dormir à base d’un cocktail amphétamine-Wild Turquey. Voilà pour l’image d’Epinal.
Une légende bâtie par Thompson en personne, ce type de folklore étant le vernis même de sa méthode gonzo : une façon de se placer subjectivement au centre de l’article, histoire de rendre n’importe quel sujet barbant (un meeting électoral, une demi-finale de football, une partie de pêche à dimension nationale) en un reportage carrément sexy. Que le terme «gonzo» désigne aujourd’hui aussi bien son héritage journalistique qu’un genre dominant de la niche porno n’est pas un contresens : il est ici question d’un rapport quasi sexuel à l’écriture.
Tartarin. Il a beaucoup été dit ces dernières années que les fanfaronnades de Hunter Thompson (ou son alias Raoul Duke) avaient quand même fini par produire l'un des meilleurs, sinon le meilleur écrivain américain. Il est moins intéressant d'y croire (il y a de fortes chances que cela soit vrai, en plus) que de voir à travers ça une définition enfin limpide de ce que l'on accroche à ce mot-valise-là, «grand-écrivain-américain» : un conteur épique, un immense journaliste.
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