Ce livre impressionnant, tant par sa taille que par sa qualité, traite de l’organisation sociale de la différence des sexes, en un mot de la question du genre. On l’ouvre avec l’interrogation suivante : les sciences sociales sont-elles «normâles» ?, et l’on n’a guère envie de le fermer ensuite tant le menu met en appétit. La relecture plutôt décoiffante qui surgit au terme des nombreuses lectures féministes mobilisées tout au long de cet ouvrage constitue une véritable révision de la pensée des grands hérauts de la sociologie et de l’anthropologie. L’histoire personnelle d’Auguste Comte est savoureuse : ne pouvant vivre ni avec une femme peu intelligente ni avec une femme émancipée, il vivra onze ans avec le souvenir d’une morte. Où l’on voit que, par extension, la question actuelle est : comment les intellectuels, hommes et femmes d’aujourd’hui, s’arrangent-ils de la concurrence des intelligences. Dans l’espace public ? Domestique ? Au lit ? (la question est celle de Pascale Molinier dans ce chapitre sur Comte). Le livre fourmille d’effets théoriques inattendus ou de trouvailles qu’on appréciera à leur juste valeur : Durkheim par exemple, le père de la sociologie, décrivait l’homme comme «presque tout entier un produit de la société», tandis que la femme serait un être «resté bien davantage tel que l’avait fait la nature».
Dans le même sens, Michèle Riot-Sarcey, auteur d'un beau chapitre sur Foucault, transposant à la famille ce que le philosophe a