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Libération
Critique

Voyage au futur intérieur

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Le cahier Livres de Libédossier
Le héros de Krzyzanowski fuit la Russie de Staline par la science-fiction
publié le 4 novembre 2010 à 0h00

On voudrait aller en arrière pour corriger la vie ou en avant pour en saisir le sens : le type qui voyage dans le temps est rarement un modeste. Ce n'est pas non plus un vrai voyageur. Son problème est de rentrer, à la bonne date, pour donner au monde les leçons qui s'imposent. Son voyage métaphysique est politique. En 1895, le voyageur du temps de H. G. Wells observe dans le futur les effets désastreux du capitalisme. En 1984, le héros de Terminator rejoint le passé pour empêcher les machines d'installer leur dictature. En 1929, année où ce récit est écrit, Max Sterer, le héros excentrique et renfermé de Souvenirs du futur veut faire la nique au temps. C'est l'année où Staline prend totalement le pouvoir. La science-fiction est une manière d'échapper à la réalité tout en la décrivant.

Alliages. L'auteur, Sigismund Krzyzanowski, 1887-1950, ne paraît pas avoir bénéficié de son talent. Il est mort pauvre, inconnu, non publié ou presque. Ses nouvelles, ses courts romans, ont les qualités propres aux meilleurs textes russes de ces années-là : vitesse d'exécution et d'imagination, modernisme sans psychologie, choc des métaux syntaxiques et philosophiques, goût de la technique et des descriptions cubistes, sens de l'humour et de l'anticipation concentré dans des alliages qui relèvent de la chimie - ou de la magie. Expliquant une formule mathématique, Sterer dit : «Et de nouveau une formule où l'on peut se perdre plus souvent qu'en plein bois.