La Traversée des catastrophes est un livre déplaisant. On y lit des choses horribles et vraies, des choses qu'on n'ose pas dire, encore moins penser. Par exemple, qu'il y a «presque toujours de la joie à la mort de l'autre, aussi aimé fût-il».
Nul sadisme ici, Pierre Zaoui consacre simplement sa philosophie à l'expérience de la mort d'autrui, de la maladie, du coup de foudre et autres supposés bouleversements. En compagnie de Spinoza, Nietzsche et Deleuze (c'est-à-dire surtout de Deleuze vitaliste, en tant qu'il est nourri de Spinoza et de Nietzsche), Zaoui tente de s'extraire des philosophies du négatif, médusées par la mort comme absolu, la vie définie comme «pour la mort» et d'éviter la célébration morbide d'un deuil toujours à venir. C'est à la mort réelle qu'il s'attelle, au fait de veiller l'ami, l'amante, le parent agonisant, de le sentir trépasser entre ses bras, plutôt qu'aux représentations abstraites du mourir. Aussi bien, la Traversée des catastrophes, par la façon dont elle rend compte de l'expérience de l'auteur (ancien membre d'Act up Paris), parlera-t-il mieux à ceux qui sont passés par la case morgue ou maladie mortelle (mais à laquelle on survit parfois).
«Vieil instinct». Pour revenir à la joie de la mort de l'autre, voici ce qu'en dit lumineusement Zaoui : «C'est d'abord la joie d'un soulagement, perçu tristement et comme à la dérobée pour essayer de tromper sa culpabilité (on n'en pouvait plus), mais aussi d'une autre so