Lucky Luke, ça a eu marché. Raison pour laquelle ça marche encore. C’est l’effet série, saga, sucette d’enfance, en tête des ventes au moment de sa sortie il y a un mois, mais ayant mangé la poussière sous la poussée de Naruto. Lucky Luke est un des plus vieux personnages de BD franco-belge encore vivants, avec Spirou et Blake et Mortimer. A ce titre, il est conservé dans un formol postmoderne qui lui interdit de changer de style graphique, en faisant (pâle) figure d’anomalie anachronique, un peu comme si on lâchait la poupine Cléo de Mérode dans un défilé de haute-couture anorexique.
L’imputrescibilité de Blake et Mortimer tient entre autres au génie caméléon d’André Juillard, et celle de Lucky Luke au mimétisme de Achdé, né en 1961. Achdé a toujours dessiné comme s’il avait vu le jour quarante ans plus tôt. Son nom même, inspiré de ses initiales, Hervé Darmenton, renvoie à la tradition révolue des Jijé et Hergé. De fait, son trait est bien imité : on ouvre ce quatrième épisode des «aventures de Lucky Luke» (ainsi nommées pour les différencier de la production de Morris, décédé en 2001) comme une maison abandonnée où rien n’aurait changé.
Gros malin. On s'est beaucoup interrogé sur les raisons du succès de Lucky Luke. Patrick Gaumer, dans le Larousse de la BD, avance l'hypothèse de la fidélité historique, Goscinny et Morris s'étant, écrit-il, «toujours attachés à décrire un Far-West crédible» où l'on croise des personnages ayant existé. Dans