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Libération
Critique

Points de suture

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Un roman «foutraque» de Fred Léal, sur un médecin établi dans un quartier en déshérence, surnommé Beyrouth
publié le 18 novembre 2010 à 0h00

Le délaissé est synonyme de «friche» et c'est ainsi qu'on doit entendre le titre du nouveau roman de Fred Léal. Tout se déroule à Bordeaux, dans le quartier surnommé Beyrouth, livré aux urbanistes et aux promoteurs pour un projet d'écoquartier. C'est là, entre terrains vagues, casernements et bâtiments industriels désaffectés qu'exerce Arnaud Blanco, médecin généraliste confronté à la misère et à la précarité.

«Ralentir : travaux !» devrait-on prévenir, car avec onze livres en dix ans, Léal bâtit une œuvre. Celle d'un outsider, un migrant des formes, bricolant des montages, mixant les registres, brouillant les pistes, inventant sans cesse et jouant toujours juste.

Si délaissé semble plus classique que ses expérimentations précédentes comme Selva ! (2002), c'est parce que Léal a acquis une maîtrise, qui rend ses manipulations textuelles désormais plus clandestines : «J'avais pu écrire Selva !etMismatch en me décomplexant vis-à-vis du roman, dit Fred Léal, en m'acceptant bordélique en quelque sorte. Ensuite, j'ai pu écrire mes textes en prose, dontdélaissé, en me (re)décomplexant, cette fois vis-à-vis de la poésie… J'évolue sans souci la violette entre Raymond Carver et Arno Schmidt, Georges Simenon et Olivier Cadiot… mais ce qui m'a poussé àm'accepter, c'est le cinéma. C'est un art où on peut d'emblée naviguer entre le burlesque et le drame sans que ça pose un problème au spec