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Libération

Le bon et la bête, Alexandre et Napoléon

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publié le 20 novembre 2010 à 0h00

Il neigeait. On était vaincu par sa conquête… Il y a deux siècles, la Grande Armée chassée de Moscou par l’incendie cheminait dans la plaine russe. Evénement légendaire, hugolien, désastreux. Evénement décisif. Après la retraite qui le prive de son armée, Napoléon est seul contre tous. Son empire n’a plus que trois ans à vivre ; il commence le chemin de croix qui le mènera du Niemen à Sainte-Hélène. Sur ces événements gigantesques la bibliographie est vaste comme la Russie. Parmi les publications récentes, on retiendra, outre l’habile divertissement uchronique de Valéry Giscard d’Estaing, la saga de Jean-Claude Damamme, napoléonien érudit qui dresse un tableau précis, foisonnant et saisissant de l’effrayante aventure de la Grande Armée.

Comme celle de Hitler, un siècle et demi plus tard, la chute du géant s’est nouée là, sur cette terre sans limite changée en enfer glacé. On sait que c’est le stoïcisme du peuple russe, allié à l’hiver impitoyable, qui a détruit les deux grands conquérants de l’époque moderne. Il faut donc impérativement, pour comprendre ces tournants de l’Histoire, s’immerger dans l’autre camp, celui de la Russie, lointaine et énigmatique. Souvent les Français, surtout s’ils admirent Napoléon, s’en tiennent aux clichés sur l’âme slave, le fanatisme du soldat russe, le moujik englué dans sa terre natale, ivre des fumées dispensées par une religion archaïque, mené à l’abattoir par une aristocratie méprisante au nom d’un despote asiatique.

Pour éviter l’ornière,