Richard Flanagan est né en 1961 en Tasmanie, où il vit encore aujourd’hui. Il a quitté l’école à 16 ans, et a suivi plus tard des études universaires, d’abord en Australie puis, avec une bourse, à Oxford.
Pourquoi vos romans sont-ils si peu linéaires ?
Ce n’est ni conscient ni délibéré, c’est lié au fait que j’ai grandi dans les histoires. Je viens d’un monde qui n’avait pas d’idéologie, pas d’esthétique, pas d’art, mais qui avait des histoires à n’en plus finir. Les gens avaient une belle expression, quand on allait parler de quelque chose, ils disaient : je vais te donner à ce sujet une histoire, cette histoire n’avait en apparence rien à voir avec ce dont on aurait dû parler, mais c’était quand même lié. La manière dont les gens racontaient était circulaire, en constantes digressions. Il n’y avait pas de début ni de fin, c’était quelque chose d’une grande poésie, qui restait, qui grandissait en vous.
Quand je suis venu à la littérature, j'ai aimé les écrivains qui comprenaient la vie de cette manière-là, par exemple Borges, qui dit : «Le temps est un feu qui me consume ; je suis ce feu.» Au début, j'ai écrit comme les Européens, des romans sur le quotidien, tracés comme une ligne de chemin de fer avec des arrêts obligés, et ça ne correspondait pas à mon monde. On appartient à la fois au pays d'où on vient et au monde des lettres. J'ai tenté ce que peut un écrivain : obtenir une transparence entre l'âme et le monde.
La structure à l’intérieur de laquelle je puis le plus honnêtement m’exprimer est non-linéaire. Si