Tran Arnault Les chambres

Un premier roman dont la narratrice est une call-girl bisexuelle et un peu spéciale, philosophe du corps accidenté et du repli. Elle explore ventres et sueurs, ausculte sa fatigue, celle du client (il n'y a ici que des «contrats» uniques). Le texte est découpé en «chambres» univers clos et fantasmatiques, laboratoires de la chair : «La bouche dessine l'esquisse d'un sourire qui vient creuser un trou unique dans la joue pleine. L'espace de quelques secondes, vous croyez entendre un ronronnement. Le ronronnement de la chatte repue. Vous descendez. Soulevez un peu la masse d'un sein pour découvrir le ventre. Au contact, vous tressaillez.» Jeux de langue(s) et aspirations, jeux de rôles et de domination : «Quand il caresse mon corps, c'est ma tête qui guide ses mains.» E. Lo

Europe Miguel de Cervantès. José Lezama Lima

Juan Marsé a 16 ans quand, écrit-il, «Don Quichotte fait irruption dans ma vie par la médiation d'un voisin, un Galicien vendeur ambulant de livres et d'encyclopédies, qui s'acharnait à me placer un lot de nouvelles de Vicki Baum et de Louis Bromfield payable commodément par traites.» C'est sous Franco, on purge les bibliothèques. Il faut trois tentatives à l'adolescent pour lire l'œuvre de Cervantès, sur un banc de Barcelone : c'est resté, depuis, une «lecture germinale». Le discours prononcé par l'auteur de Teresa l'après-midi quand il reçut le prix Cervantès, en 2008, vaut à lui seul la lecture de