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Libération
Critique

Georges Didi-Huberman et les yeux armés

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publié le 2 décembre 2010 à 0h00

Second volet d'une réflexion intitulée l'Œil de l'histoire, l'essai de Georges Didi-Huberman poursuit, patiemment, précisément, un questionnement que plusieurs de ses précédents ouvrages avaient déjà mis en chantier. Comment penser et construire une lisibilité critique des images, et de là «extraire une lisibilité historique» en même temps éminemment actuelle, qui résiste, malgré tout, au «temps subi»? Tant pour ce qui concerne le temps dit «passé», que pour ce qui a lieu tous les jours aujourd'hui même, dans les multiples façons dont le flot des images menace d'écraser tout regard.

Au centre de ce livre, dont le titre, Remontages du temps subi, condense de façon limpide l'enjeu intellectuel et politique, nourri d'une méditation continue de Benjamin et de Brecht, l'opération de montage. «On comprend alors que le passé devient lisible, donc connaissable, lorsque les singularités apparaissent et s'articulent dynamiquement les unes aux autres - par montage, écriture, cinématisme - comme autant d'images en mouvement.» Le montage, c'est-à-dire aussi la possibilité du démontage et du remontage selon d'autres lignes de visibilité/lisibilité, apparaît alors comme une opération active et pensante d'imagination critique capable d'ouvrir un espace pour le regard. L'opus précédent de l'auteur, Quand les images prennent position, en avait analysé déjà la puissance dialectique, à partir du Journal de travail de Brecht et de son