On ne sait rien de Marcel Cohen, mais ça peut s'arranger. Ou déranger (l'absence d'idée qu'on se faisait de lui). Il suffit de lui rendre visite à Paris, le premier jour de neige de l'hiver, non loin de la tour Eiffel. On a lu huit ans auparavant le premier volume de Faits : «Chaque fois qu'il en a eu le loisir, et où qu'il se trouve, un homme ne peut s'empêcher de visiter au hasard les appartements à louer. Ce n'est pas du tout parce qu'il s'estime mal logé et il n'a aucune autre raison de vouloir déménager. Ce qu'il cherche relève plutôt de l'hygiène mentale. En arpentant les pièces vides, il tente, en somme, de s'observer à la dérobée, et sous tous les déguisements compatibles avec le lieu, à la manière dont un comédien compose son personnage devant un miroir.» Marcel Cohen est un appartement de cette sorte. Ce ne sont pas les murs qui sont importants, mais la façon dont on s'y rencontre soi-même.
Silésie. On ne connaissait donc que la série de ses Faits, trois recueils de textes apparemment décousus (cent vingt-trois dans le premier volume, cent cinq dans le deuxième et quarante-sept dans celui-ci), mais résonnant ensemble d'une ancienne terreur, celle de la Shoah. Elle est évoquée parfois directement, mais de façon quasi comptable, dépouillée de pathos jusqu'à l'os. Les Faits sont en effet tirés de «faits», chiffres, anecdotes réels ou préexistants : «En janvier 1945, dans la neige et par un froid intense, Fichel C