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Libération
Interview

«Les Etats-Unis ont été magnétisés par un mort-vivant»

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La philosophe Avital Ronell sur le rôle de Bush père dans la première guerre du Golfe
publié le 9 décembre 2010 à 0h00

Disciple de Jacques Derrida, Avital Ronell a commencé à être connue en France en 2006, avec Telephone Book. Lignes de front rassemble plusieurs études, notamment sur l'opération «Tempête du désert», menée par l'armée américaine en 1991 après l'invasion irakienne du Koweit.

En quoi la première guerre d’Irak constitue-t-elle un événement philosophique ?

Dans les années 70 et 80, on pensait s’approcher de la paix. Et puis, en 1991, l’invasion du Koweit est venue, de façon pernicieuse, relancer l’appareil justificatoire de la guerre. Aujourd’hui encore, nous sommes sous le coup de cette relance : la guerre du Golfe est interminable. Voilà pourquoi j’ai essayé d’explorer les dimensions fantasmatiques de notre historicité, les systèmes de transmission inconscients, les déplacements symboliques, les manœuvres rhétoriques, qui ont dominé la décision d’aller en guerre. Il y avait besoin d’un regard proprement philosophique, surtout aux Etats-Unis, où un cordon sanitaire exclut la philosophie.

Y a-t-il une spécificité de la guerre contemporaine ?

Pour Hegel, la guerre était un test de grossesse du devenir historique : la guerre accouche de la vérité, il n’est pas possible de mener une guerre sans être soi-même affecté, affligé, historiquement reformaté. Or, aujourd’hui, les pays qui déclarent la guerre sont à peine impactés, engagés. Beaucoup se passe à une distance médiatique, télétopique, avec des drones. Ces guerres ont une différence minuscule avec les jeux vidéos. Il n’y a plus de proximité avec la vérité. Le nom même de ces actions devient incertain : s’agit-il de «conflits», d’«actions de poli