Dans le vaste mouvement qui s'efforce aujourd'hui de repenser l'histoire du monde en cantonnant l'Europe à sa juste place, Jack Goody fait entendre sa différence. Plutôt que de se concentrer sur les écarts de trajectoires, en particulier économiques, entre les diverses civilisations, il préfère s'intéresser à «la mainmise de l'Occident sur l'histoire», considérant que la domination du globe par l'Europe est indissociable de «sa maîtrise du grand récit de l'histoire du monde».
L’anthropologue britannique avoue que les nombreuses années passées au Ghana l’ont conduit à mettre en doute la prétention des Européens à avoir tout inventé en matière de politique (démocratie), ou de justice par exemple. Son idée majeure est au contraire que les civilisations eurasiatiques issues de la révolution urbaine de l’âge du bronze sont avancées également sur beaucoup de points alors que les historiens européens dans leur majorité leur assignent des trajectoires très différentes, opposant un Occident dynamique et conquérant à un continent asiatique immobile et figé dans des formes successives de despotisme.
Bourgeoisie. Jack Goody s'intéresse à quelques grands historiens afin de montrer que même les plus éloignés d'une vision eurocentrique «peuvent tomber dans ce genre de piège». Si le sinologue anglais Joseph Needham reconnaît ainsi que la science et la technique chinoises furent, jusqu'au XVIe siècle, égales sinon supérieures à la science