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Libération
Critique

La politique, une affaire de nombres

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Le cahier Livres de Libédossier
De la cité grecque à la nation moderne, l’analyse de Pierre Manent
publié le 30 décembre 2010 à 0h00

Pierre Manent est un anti-Moderne subtil. A l'amour du présent, il oppose, non sans ironie, les charmes du passé révolu. Universitaire discret, il était sorti du bois en 2006, après le référendum de la Constitution européenne, avec la Raison des nations, plaidoyer «de droite» contre la construction européenne, qui lui valut des critiques acerbes, y compris chez ses amis. Avec les Métamorphoses de la cité, il poursuit son investigation sur l'histoire des formes politiques. Fruit d'un séminaire tenu à l'EHESS et nourri d'exégèses d'Homère, Aristote, Cicéron, Machiavel ou Rousseau, l'ouvrage n'est pas toujours facile. Pour en saisir la force, il faut garder en mémoire l'avertissement initial : «Au lieu de voir l'histoire courir complaisamment vers nous, vers les grandeurs et les misères de notre démocratie, je l'ai vue de plus en plus nettement se déployer à partir de cette prodigieuse innovation», la cité grecque, cette « première production du commun». Regarder notre époque avec les yeux des Anciens, tel est l'enjeu.

Tripartition. En bon disciple de Léo Strauss, Manent commence par récuser les réflexes sociologiques. Pour lui, les individus préexistent aux structures et Hésiode et Homère furent, au sens propre, les «éducateurs de la cité». Non seulement leurs descriptions des Dieux sont de véritables inventions, datables et attribuables, mais l'Illiade, lorsqu'il y est question de la cité