«Nous avons perdu notre maison et dans cette maison, l'occupant se mit à tuer les Juifs. Les avons-nous aidés, sommes-nous restés solidaires ? Combien d'entre nous ont estimé que ce n'était pas notre affaire ?»Il a fallu attendre le retentissant article de Jan Blonski en 1987 - intitulé «Les pauvres Polonais regardent le ghetto» - pour que la Pologne s'interroge officiellement sur l'attitude de sa population face aux Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Et aujourd'hui toute une nouvelle génération d'historiens travaille sur le rôle du «témoin» polonais, avec ses délateurs, ses héros (les Justes) mais aussi tous ses spectateurs passifs, lâches ou indifférents, devant la grande tragédie du XXe siècle.
Oublis. Directeur de recherche au CNRS, Jean-Charles Szurek signe un ouvrage passionnant sur la place et l'instrumentalisation des relations judéo-polonaises dans la Pologne contemporaine, depuis l'immédiat après-guerre et la création du régime communiste, jusqu'à sa chute en 1989 et l'avènement de la démocratie. Il nous entraîne dans les méandres d'une mémoire hantée par un passé très lourd : la disparition de quasiment toute la population juive de Pologne (plus de 3 millions de personnes) dans des camps qu'Hitler avait choisi d'installer dans le pays même - Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Chelmno, Sobibor, Belzec. Szurek décrit les étapes d'une douloureuse prise de conscience, qui s'apparente aujourd'hui à une quête de vérité historique. I