En même temps qu'il édifie le type grave et empesé du bourgeois, doué de toutes les qualités requises de sérieux et de respectabilité, le XIXe siècle invente une pléiade de figures adverses ou concurrentes, personnages repoussoirs, parias ou apôtres de nouveaux mondes à inventer. Parmi elles, le célibataire et la prostituée forment selon Laure Katsaros le «couple monstrueux» par excellence, celui qui renvoie à la société établie «une image déformée et grotesque» d'elle-même.
Bien des traits séparent pourtant les deux figures, à commencer par une évidente barrière de genre. Quelle que soit sa liberté d'esprit, le célibataire l'emporte toujours sur la fille publique, écrasée par le poids de la domination masculine. C'est d'ailleurs parce que leur amant les abandonne que de nombreuses grisettes sont réduites à la prostitution, à l'instar de la Fantine des Misérables. Mais Laure Katsaros privilégie surtout le destin partagé, et honni, de ces deux personnages. Vouée au plaisir hors de toute finalité procréatrice, leur sexualité, aberrante aux yeux de la norme sociale, fait d'eux des êtres superflus, donc nocifs et pervers. C'est pourquoi l'un et l'autre sont condamnés à la déchéance physique et morale. La folie les guette, la maladie et la dégénérescence les rongent, affirment les médecins, et la mort rôde en permanence autour d'eux : avortement, infanticide, syphilis, suicide. Habité par le néant, leur destin est toujours dramatique et leur f