Nous avons rencontré l'écrivain dans son appartement du XVe arrondissement, non loin du Little Téhéran parisien, où il séjourne entre deux voyages aux Etats-Unis.
A sa sortie en 1973, votre livre a été un immense succès populaire en Iran, mais qu’a dit la critique ?
Il y a eu une sorte de malchance. Peu après la parution, dans une interview à la télévision, le Premier ministre du Shah, Amir Abbas Hoveyda, a fait un éloge formidable de ce roman, éloge qu’il a répété à la chambre des députés. Le problème, c’est qu’Hoveyda était considéré, à juste titre, comme le bourreau de l’édition et de la presse. La presse était censurée, mais le peu qui passait était encore trop pour lui : le pouvoir a donc acheté tous les journaux, sauf quatre qui étaient proches du régime ! Du coup, quand Hoveyda a vu le succès de mon roman, il a voulu montrer qu’il n’était pas un ennemi des livres. Résultat, il n’y a pas eu une ligne d’écrite sur ce roman, les critiques littéraires ne voulaient pas être soupçonnés de collaborer avec le gouvernement.
Ensuite, il y a eu la révolution islamique et le livre a été interdit. Peu après, j'ai rencontré par hasard le beau-frère de Khomeiny avec qui j'avais été au lycée et il m'a parlé de Mon oncle Napoléon, qu'il avait lu. «Toi qui l'as lu, ai-je demandé, pourquoi ça a été interdit ? - Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que tous les mollahs l'ont lu et apprécié et que, dans la maison de Khomeiny, tous l'ont lu, sauf Khomeiny lui-même, et, du matin au soir, ses petits-enfants répètent le leitmotiv de Mash Ghassem : "Pourquoi mentir…"