Anselm Jappe est le représentant français d'une école de pensée relativement confidentielle, mais qui pourrait gagner de l'audience à la faveur de la crise du capitalisme financier: l'école de «la critique de la valeur», pouvant tout aussi bien s'appeler «la critique du fétichisme de la marchandise» ou «la critique du travail». Née au milieu des années 80 autour de la revue Krisis, nourrie de Marx, de l'Ecole de Francfort et de Debord, la «critique de la valeur» se distingue du marxisme classique, en mettant l'accent non sur la distribution inégale des richesses produites, mais sur le mécanisme même de production des richesses. Pour elle, le capitalisme transforme tout objet en «fétiche» et toute activité humaine en «travail abstrait». Le capitalisme, c'est le régime dans lequel «l'activité productrice et les produits ne servent pas à satisfaire des besoins, mais à alimenter le cycle incessant du travail qui valorise le capital et du capital qui emploie du travail».
Productivité. Une théorie se fortifie au contact de la réalité et si le livre d'Anselm Jappe est précieux, c'est qu'il permet de mesurer le pouvoir explicatif de la «théorie de la valeur» appliquée à divers sujets, de la vie politique française à l'art contemporain. Le plus frappant est le chapitre central où il analyse la crise des subprimes (et qui donne son titre à l'ouvrage : Crédit à mort). Jappe y rappelle le paradoxe fondateur du capitalisme tel que Marx