Menu
Libération
portrait

Au cœur de Lion

Article réservé aux abonnés
Michel Rostain. Ce metteur en scène d’opéras a décroché le prix Goncourt du premier roman, pour un récit sur la mort de son fils.
publié le 5 février 2011 à 0h00

Michel Rostain est la preuve vivante de deux choses. D'abord qu'on peut remporter le Goncourt du premier roman à 68 ans. Surtout qu'on «peut vivre avec ça». Survivre à son fils terrassé par une méningite à 21 ans. Raconter, tenter d'ordonner un peu le chaos : ils sont quelques pères (et quelques mères) orphelins d'enfant à s'y être essayé ces derniers temps, presque un genre littéraire en soi. Terrain glissant s'il en est. Rostain, homme de théâtre, s'en sort en écrivain équilibriste, esquivant les écueils (pathos, hagiographie de l'enfant chéri, dolorisme) au moyen d'un procédé trompe-la-mort : faire de son fils le narrateur de son propre deuil. Ce qui donne, premières phrases : «Papa fait des découvertes. Par exemple, ne pas passer une journée sans pleurer pendant cinq minutes, ou trois fois dix minutes, ou une heure entière.» Page suivante : «Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie.» Regard bienveillant d'un fils sur son père en vrac. Humour désespéré d'un père sur ce qu'il reste de lui-même. La mère, elle, reste souvent hors champ, question de pudeur, l'affaire est assez intime comme ça. De cette conversation tout sauf macabre entre un père, son fils et la mort, partons de l'absent.

Le fils. Unique, arrivé sur le tard, «profondément aimé». Il s'appelle, s'appelait, Lion. «Un peu lourd à porter», admet le père, mais «ça a de la gueule, non ?» Foudroyé en deux jour