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Libération
Interview

Geoffroy de Lagasnerie fait sortir les chercheurs de l’université

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publié le 10 février 2011 à 0h00

L'ouvrage de Geoffroy de Lagasnerie peut se lire de deux façons. A froid, il s'agit de la réflexion d'un sociologue sur les conditions propices à l'innovation intellectuelle. Lagasnerie part de Bourdieu et de son homo academicus : l'universitaire qui, ayant accédé à sa position sociale par sa maîtrise d'un savoir académique, s'emploie à perpétuer celui-ci. Au contraire, l'homo non-academicus (ou encore : l'inventeur, le créateur, l'hérétique) s'émancipe des dogmes en se plaçant (plus ou moins) en marge de l'institution. Ce fut le cas de Sartre, Barthes, Foucault, Deleuze, et le constat pourrait inciter à la nostalgie. Lagasnerie préfère y puiser les arguments pour dénoncer la soumission volontaire des chercheurs d'aujourd'hui à l'ordre académique. Un pamphlet contre «l'idéologie de la recherche», de l'obsession de l'entre-soi, de la peur du jugement extérieur : c'est l'autre dimension de cet essai.

«J'étais en train d'écrire ce livre quand se sont développées les mobilisations contre la réforme de l'université. J'ai été frappé par l'inquiétante alliance entre toutes les fractions du monde de la recherche, de la droite dure à l'extrême gauche, pour dénoncer la menace que les projets du gouvernement feraient courir à l'autonomie du savoir, en soumettant l'université à des normes externes et donc réputées illégitimes : économiques, étatiques, politiques. On peut certes souscrire à cette défense de l'autonomie, mais on doit constater qu