Menu
Libération
Critique

L’Art nouveau de la guerre

Article réservé aux abonnés
Les rêves dévastateurs de la Belle Epoque révélés par l’historien Emilio Gentile
publié le 17 février 2011 à 0h00

«Le XXe siècle verra selon toute probabilité la fin des guerres»,écrit en 1900 le célèbre patron de presse américain William Hearst. On pouvait difficilement se tromper davantage. Mais la phrase exprime assez bien cet intense sentiment de modernité triomphante qui caractérise l'entrée dans le nouveau siècle. Vingt ans plus tard, le constat est tout autre : l'énormité d'une guerre qui a fait plus de dix millions de victimes, les ruines, la dévastation, des dégâts politiques et moraux irréparables, tout signale le Déclin de l'Occident (c'est le titre du livre que publie Oswald Spengler en avril 1918), voire les Derniers Jours de l'humanité (selon Karl Kraus en 1922). C'est le mouvement de ces vingt années tourmentées qu'Emilio Gentile a entrepris de relire, en prêtant surtout attention au discours des artistes, des peintres, des poètes, des philosophes, et à leurs visions du monde. Il y défend l'idée suivante : ce naufrage d'une civilisation avait été prévu, anticipé, désiré même, par une Belle Epoque minée de cauchemars et de prophéties apocalyptiques.

Age d'or. Les premiers chapitres du livre reviennent sur cette exaltation optimiste de la modernité dont l'entrée dans le XXe siècle et l'exposition universelle de 1900 constituent les symboles. Beaucoup ont alors la certitude de vivre un âge d'or, celui de la paix, de la science, du progrès, de la sécurité, que la suprématie occidentale semble garantir à