Michel Godet est un iconoclaste précieux. Depuis près de trente ans, ce spécialiste de prospective, professeur au Conservatoire national des arts et métiers, malmène les idées reçues de la vie économique et renverse les idoles d’un certain conformisme social. Emule d’Alfred Sauvy, l’ancien maître trop négligé de nos jours, il se défend d’être à droite ou à gauche (ce qui le classe plutôt à droite) et propose, en démocrate chrétien assumé, une conception à la fois libérale et sociale de la vie française.
Il est parti cette fois d’une constatation à la fois triviale et dérangeante : la crise touche l’ensemble de la planète, mais la résistance des différentes régions du monde est très inégale. D’un pays à l’autre, même s’il s’agit de deux nations au niveau de développement comparable, le taux de chômage peut varier du simple au double et les taux de croissance diverger totalement.
Le même phénomène se retrouve à l’échelon national. Entre deux départements français, le nombre des chômeurs peut changer dans les mêmes proportions, ainsi que le rythme du développement. Et ce ne sont pas les dotations naturelles qui expliquent ces écarts.
L’Algérie riche en pétrole réussit moins bien que la Tunisie stérile ; la Bretagne longtemps déshéritée se développe harmonieusement, l’Ile-de-France aux atouts innombrables peine à assurer une vie équilibrée à ses habitants. Les mêmes disparités se retrouvent à l’échelle des micro-régions : le pays de Saumur, doté de toutes les facilités naturelles,