Pendant deux ans, je me suis livré à une enquête personnelle : dans un récit intitulé l'Eté 76, j'ai tâché de recréer - au plus près - mes années d'adolescence au Havre : une joyeuse découverte de la vie sur fond de «premier choc pétrolier». Il m'a certes fallu boucher quelques trous, réinventer des scènes oubliées, mettre en valeur certains angles. Pour qualifier ce travail, j'aurais pu employer le terme d'autofiction. J'ai finalement choisi celui de roman. Quelquefois, essayant de classer mes autres livres, je me pose les mêmes questions ; car j'ai écrit de vrais ouvrages de fiction, voire d'anticipation… dont chaque détail découle pourtant de mon expérience. A chaque fois, je pourrais parler d'autofiction ; mais il me semble qu'un mot désigne plus parfaitement ce dont il s'agit ; un mot qui a pour lui l'ancienneté autant que la souplesse : ce joli mot de roman.
Depuis une décennie, la presse littéraire et certains auteurs se sont emparés de l’autofiction, comme s’ils avaient découvert le fil à couper le beurre. Faute de repérer un genre nouveau, ils ont trouvé un mot pour désigner une partie ancienne et bien connue de l’art romanesque : cette façon qu’ont les écrivains d’inventer des histoires en miroir de leur propre histoire, de se projeter dans des personnages qui leur ressemblent sans être vraiment eux-mêmes. L’histoire même du roman moderne est, pour une bonne part, liée à cette découverte : on peut se raconter à la première personne et faire œuvre de créatio