Hasard du calendrier éditorial ou injonction d’une Amérique désorientée, John Irving et Michael Collins, dans leurs nouveaux et puissants romans, donnent tous deux voix à des écrivains pris dans la toile empesée, complexe de la transmission. Les cœurs noirs autour desquels les deux récits palpitent et s’organisent sont faits du même magma de secrets, de fautes et d’effroi. Mais là où Irving surinvestit la relation père-fils, valeur refuge et incarnation de l’espoir, Collins la charge d’une confrontation progressive et impitoyable au réel.
«Chacun démarre dans la vie avec de si grandes espérances», avait coutume de dire son père à Karl, l'écrivain narrateur de Minuit dans une vie parfaite. Et bien sûr Karl entendait dans ce constat l'immensité de sa déception, se mit naturellement à en porter le poids. L'histoire saisit Karl dans une quarantaine aux allures de marais. On est en 1999, à Chicago. Karl a publié deux romans salués par la critique mais n'a plus renoué avec la grâce de ces débuts innocents. Même sa contribution, en qualité de nègre, au triomphe d'un auteur à succès ne lui a valu ni reconnaissance ni embellie matérielle. Karl flirte avec une précarité dont seules la rouerie et la compromission le préservent encore. Il travaille à ce qu'il nomme «L'opus», fantasme de roman et prétexte à toutes les divagations, aux quêtes les plus troubles.
Karl est en effet de ces écrivains-vampires s'abreuvant à tout ce qui passe, pompiers-pyromanes faisant feu de to