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Critique

De Platon en plateaux

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Stanley Cavell marie les grandes pages de la philosophie morale aux chefs-d’œuvre cinématographiques
publié le 24 mars 2011 à 0h00

Il a fallu bien longtemps pour qu'ils «se déclarent». La différence d'âge était trop grande : vingt-cinq siècles. La vieille dame avait d'autres chats à fouetter - l'Etre, la Vérité, le Bien… - et, conseillée par maître Platon, s'était jurée de ne jamais faire confiance aux images, copie trompeuse d'une réalité sensible elle-même infidèle à la «vraie» réalité des Idées. Quant au jeune homme, septième et tardif enfant de la famille des Arts, qui rêvait que les images s'animent toutes seules et prétendait écrire avec la lumière, il n'était pas sûr de son avenir, craignant de finir comme ses hurluberlus de cousins, Kinétoscope, Animatographe ou Praxinoscope. Il prendra de l'assurance en grandissant, se donnera une «histoire» - Griffith, Chaplin, Gance, Dreyer, Lang, Hitchcock, Eisenstein, Rossellini, Welles… - et, devenu «movie, motion and emotion picture» (Wim Wenders), s'élèvera au rang de langage, culture, fabrique d'imaginaires et de visions du monde, sinon synthèse de tous les arts. Dès lors naissent en son sein une esthétique (Rudolf Arnheim, Béla Balázs), une sociologie, une sémiologie (Christian Metz), voire une «filmologie». Mais, au cinéma, la philosophie n'ose pas encore se lier, bien qu'elle le questionne ou l'interprète (Walter Benjamin, Maurice Merleau-Ponty…). Elle ne se donne à lui que lorsque Gilles Deleuze la convainc que le cinéma pense par lui-même, non par concepts, mais par images-mouvement et images-temps.

«Inter-locution». Du mar