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Libération
Critique

«Des clous» se hérissent

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Tatiana Arfel «n’enjoy» pas la vie corporate
publié le 24 mars 2011 à 0h00

Entreprise vendant du vent recrute clous. Et quand les clous, qui gagnent des clous, ne marchent pas dans les clous, envoi automatique en séminaire de remotivation, ou plutôt d'auto-élimination. Bienvenue chez HT, Human Tools, «entreprise internationale de services spécialisée dans la mise en place de procédures pour d'autres sociétés». Tatiana Arfel, avec ce deuxième roman, entraîne le lecteur dans les coulisses d'une firme parisienne qui n'a de cesse de laminer les individualités par souci de productivité. L'arme de destruction massive de HT, outre les caméras, les tâches strictement calibrées et les «exercices d'abrasion émotive» : imposer à ses pauvres salariés-clous un langage censé faire gagner du temps - et le temps c'est de l'argent - à base de concepts de marketing américains et d'attentats à la syntaxe. Si bien que, assez vite, «il faut enjoy» - le lecteur sait parler le «human tools», un français-anglais contaminant, et regarde son Petit Robert comme l'inutile témoin de ses amours passés. Rendu en outre paranoïaque, il se croit traqué partout : par le règlement intérieur du métro, avant de franchir les bandes podotactiles ; par le mode d'emploi des caisses automatiques au supermarché ; et même dans sa propre entreprise : alerte au «back-up».

Tatiana Arfel, psychologue de formation, avait été remarquée par un premier livre, l'Attente du soir. Elle s'attaque ici à la veine du roman social et de l'aliénation par le travail