Il y a deux Noam Chomsky : l'intellectuel, qui fut un linguiste génial, et le militant, devenu bouffeur d'Amérique. On peut partager l'essentiel des critiques adressées à la politique étrangère américaine dans Futurs proches et regretter que le second y occupe tant de place et le premier si peu. N'est-il pas paradoxal que le même qui a tellement dénoncé l'emprise médiatique construise ici son réquisitoire contre le néolibéralisme et l'impérialisme presque exclusivement sur des citations d'articles de presse ?
C'est dommage car, sur le fond, l'ouvrage comporte des rappels tout à fait utiles pour le lecteur français. Par exemple, le cynisme avec lequel les Etats-Unis interviennent dans cette Amérique latine qu'ils estiment être leur domaine réservé. «La culture impérialiste a fait en sorte que [notre] attention soit méthodiquement concentrée sur les crimes commis par autrui, les nôtres étant dissimulés et oblitérés», note justement Chomsky.
L’empathie de l’Occident est à géométrie variable : pour donner un socle juridique à leurs interventions d’ingérence humanitaire, il a institué la notion de «responsabilité de protéger» ; néanmoins, «nulle part n’envisage-t-on d’affecter le moindre dollar à la protection de populations risquant de mourir de faim ou d’un manque de soins de santé».
Mais, une fois les faits dénoncés, le rôle de l’intellectuel n’est-il pas d’aller au-delà ? De chercher, par exemple, à comprendre pourquoi notre monde s’enivre ainsi de sa