Philosophe nourri de Marx et de «messianisme», Walter Benjamin fut aussi le premier traducteur de Proust en allemand. Avec son ami Franz Hessel (le père de Stéphane Hessel), il publia Im Schatten der jungen Mädchen (A l'ombre des jeunes filles en fleur) en 1926 et Guermantes(Du côté de Guermantes) en 1930. Editeur indépendant et inventif, Nous a la bonne idée de rassembler en un seul (petit) volume, tous les écrits de Benjamin sur Proust, dont certains étaient introuvables, voire jamais traduits.
«Vices». A la date du 21 janvier 1930 de son «Journal parisien», Benjamin relate son pèlerinage chez «M. Albert», tenancier d'un établissement de bains «absolument pas pittoresque», car «les vices sérieux, authentiques, c'est-à-dire socialement dangereux, se présentent modestement». Pour saisir tout le sel de cette visite, il faut se reporter aux études proustiennes (1) : valet de profession, Albert Le Cuziat avait ouvert un bordel pour hommes avec le soutien (y compris financier, selon certaines versions) de Proust. Celui-ci y venait, officiellement pour se livrer à des observations qu'il utilisa, par exemple, pour décrire Charlus enchaîné et fouetté. A la fin des années 20, le rôle joué par M. Albert avait été révélé notamment par un article paru dans la revue allemande Der Querschnitt. Revue où Benjamin écrivait régulièrement. D'où son ton péremptoire sur M. Albert : «On sait que Proust […] lui ins