Menu
Libération
Critique

Le crépuscule de Nietzsche

Article réservé aux abonnés
Les lettres du philosophe avant et après le saut dans la folie
publié le 14 avril 2011 à 0h00

Le 2 janvier 1889, Friedrich Nietzsche envoie de Turin un télégramme et une courte missive à son éditeur Constantin Georg Naumann, pour lui indiquer que deux poèmes, «De la pauvreté du plus riche» et «Gloire et éternité», cloraient Nietzsche contre Wagner et Ecce Homo. Mais le 3 janvier il écrit ceci à son amie Meta von Salis : «Le monde est illuminé, car Dieu est sur Terre […] J'ai pris possession de mon royaume, jeté le pape en prison, fait fusiller Wilhelm, Bismarck et Stöcker.» Le même jour, il expédie à Cosima Wagner, «la princesse Ariane, ma bien aimée», cette lettre : «C'est un préjugé que je sois un homme […] J'ai été Bouddha parmi les Indous, Dionysos en Grèce, - Alexandre et César sont mes incarnations - […] Je fus encore Voltaire et Napoléon, peut-être aussi Richard Wagner…» Les voisins avaient déja remarqué le comportement un peu excentrique de Nietzsche, qui parfois faisait le pitre, chantait et dansait sous les fenêtres. Une fois, on l'avait ramassé dans la rue. Mais le délire s'est emparé de lui en un jour, un seul. Le 3 janvier marque la fin de sa vie consciente. Il s'éteindra onze ans après à Weimar, le 25 août 1900.

Délicieux jambon. La soudaineté de l'effondrement de Nietzsche, s'il ôte toute pertinence aux «lettres de la folie» qui le suivent, donne à la correspondance qui le précède une importance décisive, en ce qu'elle porte témoignage de la hiérarchie et du sens que le philosophe, par rappor