En 1966, Pierre Nora vient d'entrer chez Gallimard. Il a créé sa collection, «la Bibliothèque des sciences humaines», dont le premier titre, Problèmes de linguistique générale, d'Emile Benvéniste, est épuisé au bout de trois semaines. Pendant des décennies, ce sera un classique des études de sémiologie. Le jeune homme est à l'affût. Il connaît Michel Foucault, lui propose de publier son prochain livre. Ce sera les Mots et les Choses, vendu à 20 000 exemplaires l'année de sa sortie, probablement l'ouvrage philosophique le plus important de la décennie. Editeur comblé, Nora n'a que 34 ans.
Historien, spécialiste de la vie intellectuelle des années 70, François Dosse a déjà retracé l'histoire du structuralisme, a été le biographe de Paul Ricœur, puis de Deleuze et Guattari. Ici, pour la première fois, il livre la biographie d'une personnalité bien en vie - et bien en vue. Académicien, poids lourd de la maison Gallimard, cofondateur de la revue le Débat, président de l'association Liberté pour l'histoire, Pierre Nora occupe depuis quarante ans une place centrale dans la vie des idées. Il y a de quoi s'étonner d'une telle longévité, quoiqu'elle ne soit pas unique, au point qu'un lecteur retrouvant le chemin des librairies après trois décennies d'absence pourrait s'exclamer : «Mais, ce monsieur Rosanvallon, ce monsieur Badiou, ce monsieur Gauchet, ce monsieur Rancière, ce monsieur Nora, n'est-ce pas les mêmes dont j'entendais parler dans les années 70 ?»