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Libération
Critique

Tombés dans le chaudron

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Premier roman d’une Italienne sur une ville de l’acier
publié le 14 avril 2011 à 0h00

Elle frime un peu en rappelant par trois fois, à la table d'un restaurant parisien au chic bien repassé, avoir commencé l'écriture de son roman il y a deux ans (elle en a 26, bitch), après avoir étudié la philosophie puis la littérature. Qui sont les meilleurs outils, dit-elle, pour rendre compte «d'une réalité rarement retranscrite en Italie» (ailleurs guère plus) : la jeunesse, désœuvrée mais pas complètement désespérée, des classes populaires. Cela donne D'acier, roman social et initiatique, ample et claquant comme un film qu'auraient cosigné Ken Loach et Gus van Sant.

Dépliant sans ménagement sa Carte et son Territoire façon ritale, Silvia Avallone raconte un pays qui s’effondre. Avec pour décor la (vraie) ville moyenne et industrielle de Piombino, dans la province supposée enchanteresse de Toscane, Avallone plonge les héros de la (fictive) Via Stalingrado dans le chaudron sacrificiel de l’aciérie Lucchini, bien réelle, elle, avec ses températures dépassant les 1 500 degrés et ses chats sauvages, un peu mutants, qui errent parmi les herbes folles derrière des murs d’enceinte de dix kilomètres de long.

Tycoon russe. De la splendeur passée de la Lucchini, qui dans les années 60 employait plus de vingt mille ouvriers répartis sur quatre hauts fourneaux, ne subsiste que «l'Afo4», le four numéro 4 et ses 2 000 hommes, 16 ou 17 ans pour les plus jeunes, aux prises avec les «pont roulant, laminoir, train à fil, poche de coulée, bill